Madame d’Espérance : médium à effet physique.

La médiumnité d’Elizabeth Hope (1855-1919), qui travailla sous le pseudonyme de Mme d’Espérance n’illustre pas seulement la qualité des preuves que fournit la médiumnité physique, mais aussi les problèmes qui survinrent à l’égard des médiums féminins dans l’Angleterre victorienne. Mme d’Espérance pendant sa petite enfance, passée à Londres, Elizabeth disait voir des « personnes d’ombre » qu’elle seule pouvait voir et passa par conséquent pour être mentalement malade.

Ses problèmes furent empirés par l’absence de son père et les réprimandes de sa mère, lorsque, Elizabeth, contait ses histoires sur les gens qu’elle voyait. Après avoir consulté un médecin et avoir entendu parler de gens dans une situation semblable enfermés dans des asiles, Elizabeth se rappelle « avoir tremblé de peur et avoir prié frénétiquement pour ne pas devenir folle. »

Ses rencontres avec les « personnes d’ombre » continuèrent, augmentant les doutes sur sa santé mentale et accroissant la possibilité de son internement dans la maison des fous, si bien qu’à l’âge de quatorze ans, elle vécut une véritable dépression nerveuse. Ses rencontres avec les personnes d’ombre s’interrompirent lorsqu’elle fréquenta l’école, mais après une certaine période sans rencontre, elle trouva un matin à son réveil un essai prêt à soumettre rédigé de sa main pendant la nuit, alors qu’elle dormait !

Vu l’excellence de l’essai, elle fut questionnée à l’école sur son origine, et après un sérieux interrogatoire mené par le recteur, il fut accepté comme étant d’elle, bien qu’il semblait provenir d’une autre source. Après son mariage, à l’âge de dix-neuf ans, Elizabeth résida à Newcastle où les personnes d’ombre s’imposèrent de nouveau dans sa vie.

C’est à peu près à cette époque qu’Elizabeth entendit parler du spiritualisme par un ami, quoiqu’elle fut à l’origine incapable d’accepter le phénomène en soi. Malgré ses craintes, elle joignit un cercle au début des années 1870 et s’essaya à la typtologie. « Il semblait y avoir une vibration inouïe dans le bois du dessus de la table (…) qui s’étendait graduellement à toutes les parties de la table ».

Lorsque les autres personnes lâchèrent la table, elle continua de bouger. Elizabeth fit alors des expériences avec cette activité et découvrit qu’une communication de base pouvait s’établir avec l’entité invisible qui faisait bouger la table. Par la suite, elle fit également preuve de sa capacité de clairvoyance.

Ces expériences la motivèrent et elle commença à lire sur le sujet qu’elle trouvait « tout à fait déroutant ». À ce moment, elle crut qu’il était approprié de parler des « personnes d’ombre » à ses amis. Leur compréhension et leur coopération la rendirent moins anxieuse. L’étape suivant dans le développement d’Elizabeth consistait à essayer d’obtenir des communications par écriture automatique. Elle y parvint et constata que « ces correspondants invisibles nous devenaient vite familiers ».

L’un de ces correspondants s’appelait Walter Tracy, un américain qui avait étudié à Yale et qui avait participé à la guerre civile américaine, puis s’était noyé à vingt-deux ans. Elizabeth rapporte « qu’il devint rapidement un des favoris du cercle, car il savait créer une atmosphère animée, teintée de plaisir et d’humour. »

Il est intéressant de noter que quelques années plus tard, Elizabeth rencontra un homme qui avait lui aussi fréquenté Yale et qui confirma les détails sur la vie au temps de Walter (lieux, habitudes, etc.), Walter fut joint par Humnur Stafford, un philosophe et par Ninia, une jeune fille, à titre de contrôles d’Elizabeth. Elizabeth continua de progresser et fut capable de dessiner des portraits raffinés des communicateurs dans l’obscurité, dont un en environ trente secondes.

Lorsqu’on entendit parler de sa médiumnité, elle fut submergée de demandes pour en être témoins. Ces demandes furent si nombreuses, qu’à certains moments, elle voyagea dans d’autres pays, dont la France, la Norvège, la Belgique, la Suède et l’Allemagne. Poursuivant ses tentatives de développement, lors de ses premiers essais pour produire des matérialisations, elle raconte comment elle sentait que « l’air autour d’elle semblait agité, comme si un oiseau voletait dans les parages.

 » Néanmoins, elle sentit une main sur la sienne qui, rapporte-t-elle, calma ses peurs et son excitation. La première forme matérialisée était partielle et tant Elizabeth que les personnes présentes virent un visage d’homme leur sourire dans la lumière d’une lampe au gaz. Elizabeth prit soudainement conscience qu’il s’agissait de Walter. Après cette expérience, on choisit d’autres gens pour joindre le cercle et être témoins des événements qui s’y déroulaient.

Le jour, on les menait avec une faible lumière provenant de la fenêtre supérieure, et le soir à la clarté de lampes au gaz. Ces séances avec invités furent un succès. Elizabeth rapporte que le coût de la pièce et les autres frais étaient couverts au moyen d’un fonds auquel contribuaient les membres du cercle et que les surplus étaient donnés aux pauvres et aux malades, pour lesquels Elizabeth s’inquiétait beaucoup.

Il y avait un réel progrès dans la production des matérialisations. Walter, un visiteur fréquent, « semblait devenir rapidement familier avec toute la compagnie. » À la fin de cette série de séances, une autre visiteuse de l’au-delà commença à faire son apparition. C’était Yolande, une jeune arabe, et Elizabeth souligna qu’elle « devint vite la figure principale de nos séances. »

Elizabeth rapporte aussi qu’à une occasion, Yolande « se dissout progressivement en brume sous vingt paires d’yeux, son châle étendu par terre (…) et le châle s’évanouit tout comme celle qui le portait. » À ces occasions, Elizabeth ne tomba pas en transe comme à l’habitude et devint également consciente du lien l’unissant à la personne matérialisée.

Elle déclara : « il semblait exister un lien étrange entre nous (…) il me semblait perdre non pas mon individualité, mais ma force et ma capacité, et bien que je l’ignorais à l’époque, je perdais également une grande part de ma substance matérielle.

La médiumnité d’Elizabeth atteignit aussi le but du spiritualisme, soit d’unir les endeuillés avec leurs morts et de démontrer la poursuite de l’existence de ces derniers. Elle rapporte qu’à une occasion, un jeune marin se matérialisa et qu’elle a entendu des pleurs et des exclamations de joie.

Le garçon avait marché jusqu’à une des personnes présentes et l’avait prise dans ses bras. La personne dit au cercle : « C’est mon fils, mon seul enfant que je n’avais jamais pensé revoir un jour. Il n’a pas changé, c’est toujours mon fils ! » À une autre occasion, Mme Bitcliffe assista à une séance d’Elizabeth, peu après la mort de son mari. La séance était presque terminée lorsque son mari se matérialisa.

Une des personnes présentes, qui rédigea une déclaration que les autres signèrent, mentionna : « Je l’ai reconnu, mais je ne suis pas le seul, son épouse, mon épouse et une autre dame présente l’ont aussi reconnu dès son apparition. » Deux autres personnes présentes confirmèrent l’événement. À une séance ultérieure, Mme Bitcliffe amena ses deux jeunes filles et leur père se matérialisa pour elles.

Les filles l’embrassèrent et lui posèrent des questions, comme où il avait pris ses habits blancs. Elizabeth raconta aussi comment une femme s’était matérialisée quelques jours seulement après ses funérailles et fut instantanément reconnue par plusieurs personnes qui l’avaient connue.

Diverses personnes continuèrent de demander à assister aux séances d’Elizabeth. Parmi celles-ci, il y avait William Oxley, et lors de la séance à laquelle il assista le 4 août 1880, il reçut (par voie spirite) une magnifique plante d’environ deux pieds de hauteur qui s’avéra plus tard être une Ixora Crocata, une plante indigène de l’Inde. La production de fleurs magnifiques dans la salle de séances était commune.

Le plus grand accomplissement à cet égard eut lieu le 28 juin 1890, lorsque Yolande apporta un lis doré d’une hauteur de sept pieds ! Elle expliqua qu’elle l’avait seulement emprunté et qu’il fallait le retourner. Comme elle n’avait pas le pouvoir de dématérialiser la plante, on la conserva sur les lieux entre-temps, mais elle s’évanouit en un instant, emplissant la pièce d’un parfum accablant. Ce même Oxley entreprit des tests pendant lesquels il plaça des moulages de plâtre aux poignets et aux jambes de la silhouette matérialisée de Yolande, ceci dans le but de démontrer que Yolande était une réelle matérialisation, car elle devrait se dématérialiser pour sortir des moulages.

Comme l’observe Inglis, Yolande passa le test. Oxley rédigea plusieurs livres sur les matérialisations et y inclut ses observations sur celles produites par Elizabeth. Une des plus curieuses caractéristiques de la médiumnité d’Elizabeth était le fait qu’elle disparaissait au moment d’une matérialisation, ce qui, naturellement, donnait immédiatement à penser que la médium tentait de tromper les personnes présentes.

Cependant, il semble que la situation ait été beaucoup plus complexe que cela. Prenons-en pour exemple la séance où une personne présente se saisit de Yolande, prétendant que la silhouette était celle de la médium elle-même, mais tout n’était pas si simple, car on ne put pas trouver les vêtements de Yolande. En outre, comme le fait remarquer Inglis, « personne qui la connaissait ne pouvait concevoir qu’elle participerait délibérément à une fraude. »

En fait, plusieurs chercheurs ont constaté le fait qu’un médium pouvait disparaître de leur vue pendant les matérialisations. Lors d’une séance, des formes matérialisées joignirent le cercle et furent reconnues par les personnes présentes et furent suivies par la forme masculine de l’un des contrôles du médium, mais que le médium demeurait toujours invisible. Curnow rapporte des événements semblables.

Par exemple, que le Colonel Olcott avait immobilisé Mme Compton, une médium, et qu’à l’apparition des formes matérialisées, Olcott ne trouva aucune trace de la médium. La situation devint encore plus déroutante lorsqu’il pesa une jeune fille matérialisée et qu’à la demande d’Olcott, celle-ci Yolande se fit considérablement plus légère. Après cela, on pesa Mme Compton pour s’apercevoir qu’elle pesait près du double de la forme matérialisée.

La question de la relation entre le médium et l’entité qui se matérialise est évidemment très importante, mais elle demeure incomprise, faute d’étude sérieuse. Il est regrettable qu’après toute ces « enquêtes » sur les médiums physiques qui ont été menées pendant toutes ces années, tant de choses demeurent inexpliquées. En dépit du problème découlant des occasions où elle n’était plus visible pendant les matérialisations, Elizabeth était capable de démontrer sa distinction des visiteurs de l’autre monde.

En 1893, Nepenthes, une égyptienne se matérialisa et joignit le cercle, et on put la voir en même temps que la médium. On remarqua également une autre caractéristique, soit la dématérialisation partielle d’Elizabeth. Aksakov, un chercheur, croyait qu’il existait un lien défini entre l’apparition de la matérialisation et le médium. Il enquêta sur ce problème et publia ses résultats dans l’ouvrage intitulé « A Case of Partial Dematerialisation ».

Par la suite, il « vécut une expérience qui laissait fortement suggérer que dans certains cas, le corps du médium était entièrement absorbé pour la production des apparitions hors du cabinet. » Les capacités psychiques d’Elizabeth ne se limitaient pas à la médiumnité. Elle décrivit des situations où elle se séparaIt de son corps physique et mentionna à propos de cet état, le même que celui dont jouissait les communicateurs, qu’elle se sentait merveilleusement légère et forte et que pour la première fois, elle savait ce que cela signifiait de vivre.

Elizabeth était très consciente de la dualité de son rôle de médium et ce conflit irrésolu la désespérait parfois. Elle finit par adopter des idées à contre-courant de la pensée spiritualiste de l’époque. Dans son livre « Shadow Land », on perçoit sa nature mélancolique et la détresse avec laquelle elle se trouva si souvent confrontée.

En plus de ses propres problèmes, elle mit également en évidence les outrages que devaient subir les jeunes femmes médiums dans l’Angleterre victorienne de la part invariablement d’universitaires mâles bourgeois d’un certain âge. « Mon sang bouille, écrit-elle, lorsque j’entends parler de médiums sensitifs (…) soumis aux indignités et aux insultes de ces soi-disant enquêteurs. »

Owen remarque qu’Elizabeth parle aussi de « trous dans des rideaux et de déshabillages surprises, en plus des habituels liens, vis et boulons, parce que les enquêteurs de cette catégorie essayaient de prendre sur le fait la médium peu soupçonneuse. Boddington commente la manière dont Elizabeth se mit à la disposition d’enquêteurs scientifiques, sans rémunération ni récompense et comment des comportements inacceptables de la part des personnes présentes lui brisèrent un vaisseau sanguin et la rendirent malade pendant un mois ou d’autres occasions aussi qui provoquèrent chez elle prostration et faiblesse nerveuse.

Fodor mentionne également l’occasion où à la suite d’un incident impliquant une des personnes présentes, Elizabeth fut malade pendant deux ans et ses cheveux grisonnèrent. Bien qu’Elizabeth ait travaillé dans une faible clarté, elle avait décidé de ne pas s’asseoir dans un cabinet afin de pouvoir voir en plus d’entendre ce qui se produisait pendant la séance. Elle qualifie cette méthode de plutôt inusitée, mais elle lui réussissait.

Elle raconte un incident dont elle fut témoin lorsqu’un jeune garçon fut réuni avec ses parents, son frère et sa soeur. Se dirigeant vers sa mère, l’enfant matérialisé la frappa à la figure avec ses petites mains, puis se recula à côté de son frère et de sa sœur. Elizabeth continua à faire la démonstration de sa médiumnité et permit même qu’on photographie des matérialisations en mars 1890.

Ces photographies parurent dans un article de la revue « Mediums and Daybreak » (28 mars et 18 avril 1890). D’autres progrès furent accomplis lorsqu’on découvrit que pendant les séances de photographies, des visages apparaissaient derrière Elizabeth juste au moment où l’on prenait la photo, de sorte qu’ils figuraient sur le négatif lors du développement. Certaines d’entre elles figurent dans le livre « Shadow Land ». Après cet ouvrage, Elizabeth rédigea « Northern Lights ».

Malheureusement, lorsque la guerre éclata en 1914, elle se trouvait en Allemagne et se retrouva dans l’impossibilité de voyager. En outre, on confisqua et conservit ses notes et ses dossiers destinés à des ouvrages ultérieurs. La vie de Mme d’Espérance est un bel exemple de quelques-uns des problèmes que rencontraient les médiums doués, notamment les médiums féminins, dans l’Angleterre victorienne.

Ce fut à travers leurs luttes et tribulations que le spiritualisme moderne se tailla sa place. Ils ont payé très cher, un prix que le spiritualisme du vingtième siècle et des suivants ne devrait jamais oublier.

 


Bibliographie

 

Publié le 26 décembre 2011 dans la page internet « Grands personnages de la médiumnité ».