L’esprit pur porte en lui sa lumière et son bonheur ; ils le suivent partout ; ils font partie intégrante de son être. De même, l’esprit coupable traîne avec lui sa nuit, son châtiment, son opprobre. Les souffrances des âmes perverses, pour n’être pas matérielles, n’en sont pas moins vives.
L’enfer n’est qu’un lieu chimérique, un produit de l’imagination, un épouvantail peut-être nécessaire pour en imposer aux peuples enfants, mais qui n’a rien de réel. Tout autre est l’enseignement des Esprits au sujet des tourments de la vie future ; l’hypothèse n’y a aucune part. Ces souffrances, en effet, ceux-là mêmes qui les endurent viennent nous les décrire, comme d’autres viennent nous dépeindre leur ravissement.
Elles ne sont pas imposées par une volonté arbitraire. Nulle sentence n’est prononcée. L’esprit subit les conséquences naturelles de ses actes, qui retombent sur lui, le glorifient ou l’accablent. L’être souffre dans la vie d’outre-tombe, non seulement du mal qu’il a fait, mais aussi de son inaction et de sa faiblesse. En un mot, cette vie est son œuvre ; elle est telle qu’il l’a façonnée de ses propres mains.
La souffrance est inhérente à l’état d’imperfection ; elle s’atténue avec le progrès ; elle disparaît quand l’esprit a vaincu la matière. Le châtiment de l’esprit mauvais se poursuit, non seulement dans la vie spirituelle, mais aussi dans les incarnations successives qui l’entraînent sur des mondes inférieurs, où l’existence est précaire, où la douleur règne en souveraine. Ce sont de tels mondes qui pourraient être qualifiés d’enfer.
La terre, à certains points de vue, doit être rangée parmi eux. Autour de ces globes, bagnes roulant dans l’étendue, flottent les sombres légions des Esprits imparfaits, attendant l’heure de la réincarnation. Nous avons vu combien est pénible, prolongée, pleine de trouble et d’angoisse, la phase du dégagement corporel pour l’esprit livré aux passions.
L’illusion de la vie terrestre se poursuit en lui pendant des années. Incapable de se rendre compte de son état et de rompre les liens qui l’enchaînent, n’ayant jamais élevé son intelligence et son cœur au-delà du cercle étroit de son existence, il continue à vivre comme il le faisait avant la mort, asservi à ses habitudes, à ses penchants, s’indignant de ce que ses proches ne semblent plus le voir ni l’entendre, errant, triste, sans but, sans espoir, dans les lieux qui lui sont familiers.
Ce sont là ces âmes en peine dont on a soupçonné longtemps la présence en certaines demeures, et dont la réalité est établie chaque jour par de nombreuses et bruyantes manifestations. La situation de l’esprit après la mort résulte uniquement des aspirations et des goûts qu’il a développés en lui. C’est toujours l’inexorable loi de la semence et de la récolte.
Celui qui a mis toutes ses joies, tout son bonheur dans les choses de ce monde, dans les biens de la terre, souffre cruellement dès qu’il en est privé. Chaque passion porte sa punition en elle-même. L’esprit qui n’a pas su s’affranchir des appétits grossiers, des désirs brutaux, devient leur jouet, leur esclave. Son supplice est d’être tourmenté par eux sans pouvoir leur donner satisfaction. Poignante est la désolation de l’avare qui voit se disperser l’or et les biens amassés par ses soins. Il y reste attaché malgré tout, en proie à une terrible anxiété, livré aux transports d’une fureur indicible.
Aussi digne de pitié est la situation des puissants orgueilleux, de ceux qui ont abusé de leur fortune et de leurs titres, ne songeant qu’à la gloire et au bien-être, méprisant les petits, opprimant les faibles. Pour eux, il n’est plus de courtisans serviles, plus de serviteurs empressés, ni demeures, ni costumes somptueux. Dépouillés de tout ce qui faisait leur grandeur terrestre, la solitude et le dénuement les attendent dans l’espace.
Plus effrayante encore est la condition des esprits cruels et rapaces, des criminels de tout rang, de ceux qui ont fait couler le sang ou foulé aux pieds la justice. Les plaintes, les malédictions de leurs victimes retentissent à leurs oreilles pendant un temps qui leur semble l’éternité. Des ombres ironiques et menaçantes les entourent, les poursuivent sans relâche. Il n’est pas pour eux de retraite assez profonde, assez cachée, et c’est en vain qu’ils cherchent le repos et l’oubli.
L’entrée dans une vie obscure, la misère, l’abaissement, l’esclavage peuvent seuls atténuer leurs maux. Rien n’égale la honte, la terreur de l’âme qui voit se dresser sans cesse devant elle des existences coupables, des scènes de meurtre et de spoliation ; elle se sent comme mise à nu, percée à jour par une lumière qui fait revivre ses actes les plus secrets. Le souvenir, cet ardent aiguillon, la brûle et la déchire.
Quand on connaît cette souffrance, on comprend et on bénit la prévoyance divine qui nous l’épargne pendant la vie terrestre et nous donne ainsi, avec le calme d’esprit, une plus grande liberté d’action pour travailler à notre perfectionnement. Les égoïstes, les hommes exclusivement préoccupés de leurs plaisirs et de leurs intérêts, se préparent ainsi un pénible avenir.
N’ayant aimé qu’eux-mêmes, n’ayant aidé, consolé, soulagé personne, ils ne trouvent, à leur tour, ni sympathie, ni secours dans cette vie nouvelle. Isolés, délaissés, ils voient s’écouler le temps, monotone et lent. Un morne ennui les étreint. Le regret des heures perdues, de l’existence gaspillée, la haine des intérêts misérables qui les absorbaient, tout cela les ronge, les dévore.
Ils souffrent, ils errent, jusqu’à ce qu’une pensée charitable vienne à eux et luise dans leur nuit comme un rayon d’espérance, jusqu’à ce que, sur les conseils d’un esprit bienveillant et éclairé, ils rompent par leur volonté le réseau fluidique qui les enserre et se décident à entrer dans une voie meilleure.
La situation des suicidés a beaucoup d’analogie avec celle des criminels ; elle est parfois plus mauvaise encore. Le suicide est une lâcheté, un crime, et les conséquences en sont terribles. Selon l’expression d’un esprit, le suicidé ne fuit la souffrance que pour trouver la torture. Chacun de nous a des devoirs, une mission à remplir sur terre, des épreuves à supporter pour son propre bien et son élévation.
Chercher à s’y soustraire, à se libérer des maux terrestres avant le terme marqué, c’est violer la loi naturelle, et chaque violation de cette loi amène pour le coupable une réaction violente. Le suicide ne délivre pas des souffrances physiques. L’esprit reste lié à ce corps charnel qu’il croyait détruire ; il subit lentement toutes les phases de la décomposition, et les sensations douloureuses se multiplient en lui, au lieu de diminuer.
Loin d’abréger son épreuve, il la prolonge indéfiniment ; son malaise, son trouble persistent longtemps après la destruction de l’enveloppe matérielle. Il lui faudra de nouveau affronter les épreuves auxquelles il croyait échapper par la mort et que son passé avait fait naître. Il devra les supporter dans de pires conditions, refaire pas à pas le chemin parsemé d’obstacles et, pour cela, subir une incarnation plus pénible encore que celle qu’il a voulu fuir.
Les souffrances des suppliciés après leur exécution sont épouvantables, et les descriptions qu’en donnent certains meurtriers célèbres pourraient émouvoir les cœurs les plus fermes, en montrant à la justice humaine les tristes effets de la peine de mort. La plupart de ces malheureux sont en proie à une surexcitation aiguë, à d’atroces sensations qui les rendent furieux.
L’horreur de leurs crimes, les regards de leurs victimes, qui semblent les poursuivre et les transpercer comme un glaive, des hallucinations et des rêves affreux, tel est le sort qui les attend. La plupart, pour trouver un dérivatif à leurs maux, se rejettent sur les incarnés aux tendances similaires et les poussent dans la voie du crime. D’autres, dévorés par le remords comme par un feu inextinguible, cherchent sans trêve, un refuge introuvable. Sous leurs pas, autour d’eux, partout, ils croient voir des cadavres, des figures menaçantes et des mares de sang.
Les esprits mauvais, sur lesquels retombe lourdement le poids de leurs fautes, sont dans l’impossibilité de prévoir l’avenir. Ils ne savent rien des lois supérieures. Les fluides dont ils sont enveloppés s’opposent à toute relation avec les esprits élevés, qui voudraient les arracher à leurs penchants, mais ne le peuvent, en raison de la nature grossière, presque matérielle de ces esprits et du champ restreint de leurs perceptions.
Il en résulte chez eux une ignorance complète de leur sort et une tendance à croire éternelles les souffrances qu’ils endurent. Aussi, certains d’entre eux, encore imbus de préjugés catholiques, se croient et se disent en enfer.
Dévorés par la jalousie et la haine, afin de se distraire de leurs soucis, beaucoup recherchent les hommes faibles et portés au mal. Ils s’acharnent après eux, leur soufflent de funestes inspirations ; mais, peu à peu, de ces nouveaux excès découlent de nouvelles souffrances.
La réaction du mal causé les enserre dans un réseau de fluides plus sombres. Les ténèbres se font plus complètes, un cercle étroit se forme, et la réincarnation, pénible, douloureuse, se dresse devant eux. Plus calmes sont ceux que le repentir a touchés, qui, résignés, voient venir le temps des épreuves et sont résolus à satisfaire à l’éternelle justice.
Le remords, comme une pâle lueur, éclaire leur âme d’un jour vague, et permet aux bons esprits de se glisser jusqu’à eux, pour leur prodiguer des encouragements et des conseils.
Bibliographie
Extrait du livre de Léon Denis « Après la Mort », chapitre 36 – Les Esprits inférieurs.