Nous avons prié l’Esprit de saint Louis de vouloir bien nous éclairer sur ces différents points en répondant à nos questions.
1. L’Esprit du Follet de Bayonne pourrait-il se montrer corporellement en d’autres lieux et à d’autres personnes que dans sa famille ?
– R. Oui, sans doute.
2. Cela dépend-il de sa volonté ?
– R. Pas précisément ; le pouvoir des Esprits est borné ; ils ne font que ce qu’il leur est permis de faire.
3. Que serait-il arrivé s’il se fût présenté à une personne inconnue ?
– R. On l’aurait pris pour un enfant ordinaire. Mais je vous dirai une chose, c’est qu’il existe quelquefois sur la terre des Esprits qui ont revêtu cette apparence, et que l’on prend pour des hommes.
4. Ces êtres appartiennent-ils aux Esprits inférieurs ou supérieurs ?
– R. Ils peuvent appartenir aux deux ; ce sont des faits rares. Vous en avez des exemples dans la Bible.
5. Rares ou non, il suffit que cela se puisse pour mériter l’attention. Qu’arriverait-il si, prenant un pareil être pour un homme ordinaire on lui faisait une blessure mortelle ? Serait-il tué ?
– R. Il disparaîtrait subitement, comme le jeune homme de Londres. (Voir le numéro de décembre 1858, Phénomène de bi-corporéité.)
6. Ont-ils des passions ?
– R. Oui, comme Esprits, ils ont les passions des Esprits selon leur infériorité. S’ils prennent un corps apparent, c’est quelquefois pour jouir des passions humaines ; s’ils sont élevés, c’est dans un but utile.
7. Peuvent-ils engendrer ?
– R. Dieu ne le permettrait pas ; ce serait contraire aux lois qu’il a établies sur la terre ; elles ne peuvent être éludées.
8. Si un être semblable se présentait à nous, y aurait-il un moyen de le reconnaître ?
– R. Non, si ce n’est à sa disparition qui se fait d’une manière inattendue. C’est le même fait que celui du transport des meubles d’un rez-de-chaussée au galetas, fait que vous avez lu d’abord.
Remarque. Allusion à un fait de cette nature rapporté au commencement de la séance.
9. Quel est le but qui peut exciter certains esprits à prendre cet état corporel ; est-ce plutôt pour le mal que pour le bien ?
– R. Souvent pour le mal ; les bons Esprits ont pour eux l’inspiration ; ils agissent sur l’âme et par le cœur. Vous le savez, les manifestations physiques sont produites par des Esprits inférieurs, et celles-là sont de ce nombre. Cependant, comme je l’ai dit, de bons Esprits peuvent aussi prendre cette apparence corporelle dans un but utile ; j’ai parlé en général.
10. Dans cet état peuvent-ils se rendre visibles ou invisibles à volonté ?
– R. Oui, puisqu’ils peuvent disparaître quand ils le veulent.
11. Ont-ils un pouvoir occulte supérieur à celui des autres hommes ?
– R. Ils n’ont que le pouvoir que leur donne leur rang comme Esprit.
12. Ont-ils un besoin réel de nourriture ?
– R. Non ; le corps n’est pas un corps réel.
13. Cependant le jeune homme de Londres n’avait pas un corps réel, et pourtant il a déjeuné avec ses amis, et leur a serré la main. Qu’est devenue la nourriture absorbée ?
– R. Avant de serrer la main où étaient les doigts qui pressent ? Comprenez-vous que le corps disparaisse ? Pourquoi ne voulez-vous pas comprendre que la matière disparaisse aussi. Le corps du jeune homme de Londres n’était pas une réalité, puisqu’il était à Boulogne ; c’était donc une apparence ; il en était de même de la nourriture qu’il paraissait absorber.
14. Si l’on avait un être semblable dans son intérieur, serait-ce un bien ou un mal ?
– R. Ce serait plutôt un mal ; du reste on ne peut pas faire de longues connaissances avec ces êtres.
Nous ne pouvons trop vous le dire, ces faits sont excessivement rares et n’ont jamais un caractère de permanence. Ceux d’apparitions corporelles instantanées, comme celui de Bayonne, le sont beaucoup moins.
15. L’Esprit familier protecteur prend-il quelquefois cette forme ?
– R. Non ; n’a-t-il pas les cordes intérieures ? Il les touche plus aisément qu’il ne le ferait sous une forme visible, et si nous le prenions pour un de nos pareils.
16. On s’est demandé si le comte de Saint-Germain n’appartenait pas à la catégorie des agénères.
– R. Non ; c’était un habile mystificateur.
L’histoire du jeune homme de Londres, rapportée dans notre numéro de décembre, est un fait de bicorporéité, ou mieux de double présence, qui diffère essentiellement de celui dont il est question. L’agénère n’a pas de corps vivant sur la terre ; son périsprit seul prend une forme palpable. Le jeune homme de Londres était parfaitement vivant ; pendant que son corps dormait à Boulogne, son esprit, enveloppé du périsprit, est allé à Londres où il a pris une apparence tangible.
Un fait à peu près analogue nous est personnel. Tandis que nous étions paisiblement dans notre lit, un de nos amis nous a vu plusieurs fois chez lui, quoique sous une apparence non tangible, nous asseyant à ses côtés et causant avec lui comme d’habitude. Une fois il nous a vus en robe de chambre, d’autres fois en paletot. Il a transcrit notre conversation et nous là communiqué le lendemain. Elle était, comme on le pense bien, relative à nos travaux de prédilection.
En vue de faire une expérience, il nous a offert des rafraîchissements, voici notre réponse : « Je n’en ai pas besoin, puisque ce n’est pas mon corps qui est ici ; vous le savez, il n’y a donc aucune nécessité de produire une illusion sur vous. » Une circonstance assez bizarre s’est présentée à cette occasion. Soit prédisposition naturelle, soit résultat de nos travaux intellectuels, sérieux depuis notre jeunesse, nous pourrions dire depuis l’enfance, le fond de notre caractère a toujours été une extrême gravité, même à l’âge où l’on ne songe guère qu’au plaisir.
Cette préoccupation constante nous donne un abord très froid, même beaucoup trop froid ; c’est du moins ce qui nous a souvent été reproché ; mais sous cette enveloppe glaciale en apparence, l’Esprit sent peut-être plus vivement que s’il y avait plus d’expansion extérieure.
Or, dans nos visites nocturnes à notre ami, celui-ci a été très surpris de nous trouver tout autre ; nous étions plus ouvert, plus communicatif, presque gai. Tout respirait en nous, la satisfaction et le calme du bien-être. N’est-ce pas là un effet de l’Esprit dégagé de la matière ?
Bibliographie
* Article rédigé par Allan Kardec et paru à l’origine sur La Revue Spirite – Janvier 1859.