Scénarios de l’Education Spirite.

1 – L’existence. (1)

Comprendre le Spiritisme en tant qu’Education revient à être véritablement spirite. Ainsi celui qui est spirite de fait et pratique la charité de l’Education dans toutes ses dimensions possibles, le fait dans son milieu familial, professionnel, social, spirituel… Il est quelqu’un d’engagé dans son évolution personnelle et collective. La destinée spirituelle de son prochain ne lui sera jamais indifférente.

Il n’aura jamais une posture de salut, ni la prétention de changer le monde tout seul. Mais bien au contraire, il saura exemplifier le bien, tout en emmenant avec soi d’autres personnes à la pratique de la vertu. Il aimera intensément son prochain, cherchant à étendre d’avantage son amour envers le prochain, même lointain, cet amour signifiera son engagement à aider l’autre afin qu’il retrouve son propre chemin évolutif.

Consoler, soutenir, servir – des verbes conjugués dans les messages et les orientations spirituelles – sont les attitudes fondamentales de celui qui enseigne avec la sincérité des sentiments et la force de l’exemple. Ils représentent le pont d’accès au cœur du prochain, n’ont pas en tant que facteur de prosélytisme, mais en tant qu’étincelle afin de déclencher un processus d’Education.

Celui qui rend un service, et se dispose à donner – s’il le fait avec l’influx vibrationnel et authentique de la fraternité – pourra restaurer chez le receveur et la confiance dans l’existence et dans l’envie de grandir. Dans cette donation fraternelle, peut s’inclure une assiette de nourriture, une passe, un vêtement… Mais la charité doit transcender tout cela, afin de toucher l’âme de l’autre.

Il y a des personnes qui entendent la pratique de la doctrine seulement dans l’espace exigu du Centre Spirite. Lorsqu’ils se trouvent dans le monde, professionnel, familial, festif, social, ils agissent comme s’ils n’étaient pas spirites. Mais l’engagement éducationnel et existentiel de l’adepte du Spiritisme est vraiment celui d’être là où il se trouve, à tout moment, un élément d’influences positives, un pôle de transformation du milieu ambiant.

Sans prépotence, sans l’air austère, sans prétention quant à la vérité absolue, sans autoritarisme, étant quelqu’un qui passe et sert, le spirite doit montrer son engagement étant le meilleur, être fidèle aux principes éthiques fondamentaux, à sa soif intellectuelle… Partageant sa flamme intérieure.

Irradier l’optimisme, la bonne disposition, l’énergie et la sérénité – toutes les vertus qui sont le propre du véritable éducateur – doit apparaître comme une conséquence naturelle de sa compréhension du monde. Celui qui sait que la vie est éternelle, que toute tragédie est passagère, que tout marche vers la perfection, que nous sommes tous sous la protection d’une Providence miséricordieuse et juste, est nécessairement une personne joyeuse et tranquille, ayant le contrôle de soi, pouvant ainsi servir à édifier et à appuyer ses frères sur la même route.

La mission pédagogique de tout spirite, cependant, ne se réalise seulement sur le plan moral. Dans tous les secteurs d’activité, les spirites doivent s’efforcer à réaliser leur propre développement intellectuel et celui de ceux qui les entourent. Promouvoir la culture et trouver les moyens pour instruire, fait partie intégrante de leur programme d’action.

C’est dans ce sens que nous devons faire, ici, une critique concernant le mouvement spirite brésilien, qui s’en est beaucoup plus occupé de la charité matérielle que de la charité pédagogique. Fournir du pain et des vêtements est bien plus facile qu’éduquer, mais éduquer constitue une thérapeutique globale et est une solution sociale bien plus efficace.

Comprenons que cet engagement dans l’Education intellectuelle ne signifie que l’on s’imprègne de matérialisme, de sophismes nihilistes et de spéculations vides, qui sont aujourd’hui le point d’achoppement de la majorité des courants dominants. La conviction spirite ferme et sincère n’est pas, cependant, un empêchement au dialogue, dans le sens de l’ouverture mentale et de la tolérance idéologique.

 

2 – La Famille Spirite.

Le plus grand impact réalisé par le Spiritisme dans la relation entre membres d’une même famille c’est l’effacement de la hiérarchisation des fonctions. Il est vrai que les parents ont la tâche d’éduquer leurs enfants, ce qui est une tâche de grande responsabilité morale.

Parents, enfants, époux et épouse, grands-parents, ce sont surtout des Esprits frères, pèlerins de l’évolution humaine, chargeant chacun son héritage passée et sa mission présente, tous fondamentalement égaux, jeunes et anciens, hommes et femmes, petits et adultes, tous dignes, de respect et amour.

Vu dans cette perspective, l’autoritarisme du passé perd tout fondement. Spirituellement, les enfants peuvent même être plus avancés que leurs parents. Mais même dans ce cas, les parents ne sont nullement dispensés de la fonction d’éduquer.

Une autre explication inédite du Spiritisme, en ce qui concerne l’entendement au sein des relations familiales, est celle de la loi de la réincarnation. Il est vrai qu’un père et un fils, un frère et une sœur, un grand-père et un petit-fils, peuvent naitre en tant adversaires irascibles du passé. Dans ce cas, leur vécu quotidien est une opportunité ouverte afin qu’ils se réconcilient et s’ajustent.

Lorsqu’un père ou une mère, perçoivent chez un de leurs enfants une aversion innée, une antipathie inexplicable ils peuvent être sûrs que leur relation actuelle est une occasion précieuse afin de réajuster leurs aversions passées. Il est de la responsabilité de l’adulte, possédant la connaissance spirite, de chercher intensément, avec dévouement et renoncement, à conquérir l’amour de celui à qui il a porté préjudice dans le passé, même lointain.

Si celui qui a pour mission d’éduquer reste de cœur endurci et ne fait pas sa part dans la réconciliation spirituelle, il aura perdu doublement, en tant que père ou mère et en tant que chrétien, tout ce qui concerne le devoir de pardonner et de se réconcilier avec ses adversaires.

C’est ainsi, que dans un climat non-hiérarchisé – où tous se sentent surtout frères les uns des autres – cultivant l’amour et le respect mutuels, que la famille spirite constitue le scénario le plus propice et le plus immédiat de l’Education spirite.

Il ne s’agit pas évidemment, ici, de faire des sermons sporadiques à respect des postulats de la doctrine. Mais lorsque le Spiritisme c’est enraciné dans l’âme, et pénètre le comportement quotidien, en tant qu’explication des pourquoi de l’existence, en tant que paramètre éthique, et proposition vitale – alors la conviction spirite s’imprègne tout naturellement chez les enfants, les marquant pour le restant de leur vie.

Dès lors, la question polémique posée par certains spirites, à savoir si les parents doivent ou pas enseigner le Spiritisme aux enfants, n’a aucun sens. Si les parents sont en effet spirites, ils enseigneront dans ces moindres contours, dans leurs relations familiales, professionnelles et dans la pratique pédagogique adoptée envers leurs enfants, ce que c’est qu’être spirite.

Mais si pour eux le Spiritisme se cantonne à quelques visites routinières à un centre spirite, sans un véritable engagement existentiel, alors dans ce cas obliger un enfant à suivre des cours d’évangélisation, comme s’il allait au catéchisme afin de faire la première communion (alors que les parents ne sont même pas catholiques) c’est, en effet, transformer la Doctrine en un simple formalisme religieux sans aucun sens de profondeur. Il est évident qu’une telle attitude ne créera aucune conviction, bien au contraire elle ne réveillera que des résistances.

Au-delà de la fonction pédagogique, spécifique des parents, on ne peut ne pas mentionner que la famille sert de scénario éducatif à tous ses membres, dès qu’il y ait un engagement dans le processus de l’amélioration intime. C’est au sein de la famille que nous pouvons et devons en premier lieu conquérir et exercer les vertus fondamentales, comme l’altruisme, la patience, l’amour envers le prochain et en même temps s’attacher à contribuer au progrès de l’autre. Il s’agit, donc, là d’un scénario permanent et fécond pour l’Education de l’Esprit.

3 – L’Ecole et l’Université Spirites.

C’est dans une institution d’enseignement primaire, secondaire ou supérieur, que l’on doit mettre en pratique l’Education selon le Spiritisme.

Il faut créer des espaces institutionnels, où des enfants, des adolescents et des jeunes puissent recevoir une Education intégrale, se faire aimer et être pris en tant qu’Esprits immortels et réincarnés, et être stimulés à l’auto-éducation… Nous pensons qu’il n’est pas obligatoirement nécessaire que tous les élèves et étudiants d’une école ou université spirites soient nécessairement adeptes du Spiritisme. Apprendre le contenu doctrinaire peut être une option des parents et des élèves. Mais tous devront bénéficier d’une vision spirite de l’Education.

Beaucoup parmi les idées qui constituent l’univers de la Pédagogie Spirite viennent d’une tradition qui a eu ses débuts avec Socrate, passant par Comenius, Rousseau, Pestalozzi et qui à son modèle le plus achevé avec Jésus. Ainsi, des jeunes-enfants et enfants appartenant à différents croyances pourront bénéficier d’une Education spiritualiste, sans que leurs consciences soient imposées et violentées.

Sauf dans de rares exceptions, les écoles spirites qui ont fait histoire au Brésil et celles qui s’y maintiennent, ont adopté le système éducationnel en vigueur et n’ont fait que rajouter une classe de Spiritisme, par option ou par obligaton. Au plus elles s’appuient dans une philosophie vaguement humaniste. Ceci n’est pas le modèle d’une école véritablement spirite.

La Doctrine (des Esprits) ne peut se réduire à une espèce de catéchisme périodique, divorcé de la pratique existentielle. Il s’agit de proposer des écoles ayant une proposition d’Education aussi révolutionnaire, aussi supérieure, aussi démocratique et efficace que celles proposées et en vigueur, que même les non-spirites se disputeront les inscriptions.

C’est ici qui se manifeste la responsabilité spirite d’action pédagogique, aussi bien sur le terrain de la morale qu’intellectuel et même esthétique. Il faut abolir le concept dépassé disant que la bonne volonté suffit à dépasser toutes les déficiences.

Des écoles spirites – sans nécessité d’ostentation – doivent être modernes, avec une architecture différentiée, dans un milieu naturel, bien équipées et surtout ayant des recours humains compatibles, en un mot nous avons besoin d’universités spirites. Le cercle se ferme.

Il est absolument nécessaire de créer un cycle éducatif complet, par lequel nous puissions éduquer des personnes au minimum humanistes, qui soient l’avant-garde spirituelle de la société, qui soient les spirites les plus conscients, ayant une cosmovision intégrée et enraciné dans les fondements (de la doctrine). En même temps que le Spiritisme peut contribuer à améliorer l’Education, l’Education spirite doit contribuer à faire progresser le Spiritisme lui-même.

Il est clair qu’on ne peut ne pas penser aux moyens financiers nécessaires à de telles entreprises. Les recours existent. Le mouvement spirite ne construit-il des centres, des asiles, des hôpitaux, des orphelinats, des fédérations ? Ne pourrait-on pas appliquer une partie de ces recours à la construction d’écoles et des facultés ? Ce qui nous manque c’est un changement de mentalité : il est préférable, même si cela s’avère d’avantage difficile, d’appliquer l’argent dans l’Education que dans l’assistanat ; d’ailleurs l’assistanat devrait être lui-même pédagogique.

4 – Les Centres et les Institutions Spirites.

La première institution spirite au monde fut la Société d’Etudes Spirites de Paris. C’est là qui ont été recherchés les aspects scientifique, philosophique, et moraux du Spiritisme. Les participants débattaient des questions existentielles, des messages et des phénomènes médiumniques, des thèmes du quotidien et des nouvelles des journaux, des théories scientifiques ou philosophiques à la lumière de la Doctrine. L’échange entre les incarnés eux-mêmes – entre les membres de la société et ceux appartenant à d’autres sociétés semblables en France et à l’étranger – et entre incarnés et désincarnés, nourrissait le progrès du Spiritisme, sous la direction lumineuse de Kardec, que malgré son incontestable autorité spirituelle, ne s’est jamais pris pour le chef du mouvement. L’aspect académique de la Société – dans ce qu’une académie à de positif dans le cadre de la recherche et du dialogue entre ses pairs et non dans son esprit systématique et arrogant – étaient bien présents dans la Société de Paris, qui avait un caractère « d’études », et pourtant un caractère pédagogique.

Au Brésil, il a eu un processus, peut-être historiquement nécessaire, de massification du Spiritisme. Des Centres, des Fédérations, des Institutions diverses, accueillent quotidiennement des milliers de personnes dans tout le pays. C’est ainsi, que la Doctrine a pénétré dans toutes les couches de la société et a multiplié les adeptes et sympathisants.

Le Brésil est devenu le pays le plus spirite du monde. Mais cette dissémination massive a eu son prix. Les maisons spirites pratiquent un assistanat social et spirituel où l’individu accueilli assume généralement une attitude passive surtout lorsqu’il assiste à des cours, des conférences, et qu’il bénéficie de la passe. Parfois, après des années passées dans une maison spirite, le visiteur régulier n’a pas bénéficié de fait d’un processus pédagogique d’élévation globale, mais il pratique le Spiritisme de la manière la plus traditionnelle et autant que dans d’autres religions, (si tant est que le Spiritisme serait une religion, n.d.t.) de façon routinière, mystique et destituée de toute signification existentielle profonde.

Alors que le mouvement spirite brésilien a avancé autant en termes numériques, l’heure est arrivée de faire un saut qualitatif dans ses pratiques : et ce saut doit être obligatoirement celui de caractériser toute l’activité spirite en tant qu’activité pédagogique, selon l’essence même de la Doctrine.

On peut objecter que les activités développées par les Centres et les Fédérations bénéficient avant tout d’une prédominante éducationnelle.

Que des cours, des conférences, des études de la doctrine, le grand mouvement d’évangélisation enfantine, les Jeunesses Spirites, l’assistance sociale proprement dite, (au Brésil) est toujours accompagnée d’un enseignement spirite – que l’assistance spirituelle – avec l’échange et la moralisation des Esprits – tout ceci c’est de l’Education spirite.

Il est vrai que le mouvement spirite développe se caractère instructif, mais il n’est pas nécessairement pédagogique. Généralement, c’est un enseignement exercé de manière autoritaire et conservatrice, accroché aux modèles traditionnels du système éducatif en vigueur et dans l’héritage venant des églises. Des enfants, des adolescents, des jeunes et adultes, qui arrivent à la maison spirite, ne deviennent des personnes capables d’assumer leur propre auto-éducation, dans un processus participatif, dynamique et enrichissant. Ils sont traités en tant qu’auditeurs passifs. (Souligné par le traducteur).

La méthodologie adoptée par l’enseignement du Spiritisme, à n’importe quel niveau est habituellement lourd et autoritaire, sans recours didactiques, sans conscience de la part des expositeurs et des dirigeants du sens réel d’un processus pédagogique.

On peut argumenter que l’un des problèmes auquel se trouve confronté le centre spirite c’est la fréquence de personnes traumatisées par des pertes douloureuses ou porteuses de problèmes complexes et obsessifs. Ceci fait que certains parmi les nouveaux arrivants soient très souvent traités de façon paternaliste. On a par habitude de dire que, pour ceux-ci, le Spiritisme aurait un caractère a peine consolateur. Et celui qui a besoin d’être consolé n’est pas intéressé à la rénovation. De même celui qui est obsédé ne peut avoir la liberté de parole, ni même de questionner – voilà ce que l’on pense.

Il est évident que le contrôle de toute activité spirite doit se faire par des personnes équilibrées, moralement aptes, connaissant et pratiquant le Spiritisme dans tous ses aspects.

Ce n’est pas une raison pour que les autres participants dans le processus soient traités avec une fausse supériorité. Le véritable éducateur est celui qui sait transformer le traumatisme en édification et fait grandir tout en faisant de la participation active des élèves une thérapie pour leur rééquilibre. Le premier pas à faire pour le déclanchement des potentialités de ceux qui fréquentent le centre spirite c’est qu’ils soient accueillis en tant qu’êtres pensants et dignes d’être entendus. Qu’ils adviennent des personnes connues, respectées et aiment partager et ne soient que des simples assistants aux conférences.

Des séminaires, des débats, des réunions d’études, où tous aient la possibilité de poser leurs questions et exposer leurs doutes, même le mobilier de la salle doit être disposé de façon à ce que chacun soit le plus près des conférenciers – tout cela doit faire partie du programme pédagogique du Centre Spirite, cassant le monologue autoritaire des orateurs.

Il est évident que pour y arriver, le Centre n’a pas besoin et ne doit pas se transformer dans une arène de disputes d’opinions et de disputes personnelles. Il faut créer l’habitude de débattre des idées avec des arguments et non des offenses et faire face aux divergences d’opinion avec naturalité, tout en préservant, toujours, les principes fondamentaux du Spiritisme.

Avec des dirigeants conscients, équilibrés et ayant des convictions doctrinaires solides, il est possible de réussir un climat de liberté d’expression, tout en maintenant un niveau vibratoire élevé et la compréhension fraternelle entre tous. D’ailleurs, cette question doit faire partie de l’étude.

Il est très facile d’obtenir une harmonie apparente, sous le talon d’une discipline autoritaire. Le défi qui nous est posé est celui de réussir l’union, par l’adhésion volontaire de tous les participants à une proposition de progrès et de fraternité.

 


1. Article de Ronaldo Mauricio da Silva sur le livre de Dora Incontri « Education Spirite », en portugais « Educação Espirita ». Traduction des Editions Primaveris.

2. José Herculano Pires : Auteur d’un nombre important d’œuvres spirites dont « Pédagogie Spirite ».