Dissertations spontanées, faites par l’Esprit de Charlet dans plusieurs séances de la Société Parisienne d’Etudes Spirites, au XIX siècle.
I.
Il est une chose parmi vous qui excite toujours votre attention et votre curiosité ; ce mystère, puisque c’en est un bien grand pour vous, est la liaison ou plutôt la distance qui existe entre votre âme celle des animaux, mystère que, malgré toute leur science, Buffon, le plus poétique des naturalistes, et Cuvier, le plus profond, n’ont jamais pu pénétrer, pas plus que le scalpel ne vous détaille l’anatomie du cœur. Or, sachez-le, les animaux vivent, et tout ce qui vit pense. On ne peut donc vivre sans penser.
Ceci établi, il reste à vous démontrer que plus l’homme avance, non selon le temps, mais selon la perfection, plus il pénétrera la science spirituelle, celle qui s’applique, non seulement à vous, mais encore aux êtres qui sont au-dessous de vous : les animaux. Oh ! s’écrieront quelques hommes persuadés que le mot homme signifie tout perfectionnement, mais y a-t-il un parallèle possible entre l’homme et la brute ?
Pouvez-vous appeler intelligence ce qui n’est qu’instinct ? Sentiment ce qui n’est que sensation ? Pouvez-vous, en un mot, rabaisser l’image de Dieu ? Nous répondrons : Il fut un temps où la moitié du genre humain était regardée comme au rang de la brute, où la bête n’était regardée comme rien ; un temps, qui est maintenant le vôtre, où la moitié du genre humain est regardée comme inférieure et l’animal comme brute.
Eh bien ! Au point de vue du monde, il en est ainsi, il est vrai ; au point de vue spirituel, il en est autrement. Ce que diraient les Esprits supérieurs de l’homme terrestre, les hommes le disent des animaux. Tout est infini dans la nature : le matériel comme le spirituel ; occupons-nous donc un peu de ces pauvres bêtes, spirituellement parlant, et vous verrez que l’animal vit véritablement, puisqu’il pense. Ceci sert de préface à un petit cours que je vous ferai à ce sujet. Du reste, de mon vivant, j’avais dit que la meilleure partie de l’homme, c’est le chien. La suite au prochain numéro. Charlet.
II
Le monde est une échelle immense dont l’élévation est infinie, mais dont la base repose dans un affreux chaos ; je veux dire que le monde n’est qu’un progrès constant des êtres ; vous êtes bien bas, toujours, mais il y en a de bien au-dessous de vous ; car, entendez-le bien, je ne parle pas seulement de votre planète, mais encore de tous les mondes de l’univers.
Mais n’ayez pas peur, nous nous bornerons à la Terre. Cependant, avant d’en parler, deux mots sur un monde nommé Jupiter, et dont l’ingénieux et immortel Palissy vous a donné quelques aperçus étranges, et si surnaturels pour votre imagination. Rappelez-vous que dans un de ses charmants dessins il vous a représenté quelques animaux de Jupiter ; n’y a-t-il pas progrès évident, et pouvez-vous ne pas leur accorder un degré de supériorité sur les animaux terrestres ?
Et encore ne voyez-vous là qu’un progrès de forme et non d’intelligence, quoique, cependant, le jeu dont ils s’occupent ne puisse pas être exécuté par des animaux terrestres. Je ne vous cite cet exemple que pour vous indiquer déjà une supériorité d’êtres qui sont bien au-dessous de vous. Que serait-ce si je vous énumérais tous les mondes que je connais, c’est à-dire cinq ou six ?
Mais rien que sur cette terre, voyez la différence qui existe entre eux. Eh bien ! Si la forme est si variée, si progressive, puisque même il y a progrès dans la matière, pouvez-vous ne pas admettre le progrès spirituel chez ces êtres ? Or, sachez-le, si la matière progresse, même la plus basse, à plus forte raison l’esprit qui l’anime. La prochaine fois je continuerai. Charlet.
Nota. – Nous avons publié, avec le numéro du mois d’août 1858, une planche dessinée et gravée par l’esprit de Bernard Palissy, et représentant la maison de Mozart dans Jupiter, avec une description de cette planète, qui a toujours été désignée comme l’un des mondes les plus avancés de notre tourbillon solaire, moralement et physiquement. Le même Esprit a donné un grand nombre de dessins sur le même sujet ; il en est un entre autres qui représente une scène d’animaux jouant dans la partie qui leur est réservée dans l’habitation de Zoroastre ; c’est sans contredit l’un des plus curieux de la collection. Parmi les animaux qui y sont figurés, il en est dont la forme se rapproche beaucoup de la forme humaine terrestre, et qui tiennent à la fois du singe et du satyre ; leur action dénote l’intelligence, et l’on comprend que leur structure puisse se prêter aux travaux manuels qu’ils exécutent pour le compte des hommes ; ce sont, a-t-il été dit, les serviteurs et les manœuvres, les hommes ne s’occupant que des travaux d’intelligence. C’est à ce dessin, fait il y a plus de trois ans, que Charlet fait allusion dans la communication ci-dessus.
III
Dans les mondes avancés, les animaux sont tellement supérieurs que, pour eux, l’ordre le plus rigoureux se fait avec la parole et vous, trop souvent, avec le bâton. Dans Jupiter, par exemple, une parole suffit, et chez vous bien des coups de fouet ne suffisent pas. Cependant il y a un progrès sensible sur votre terre et qu’on ne n’est jamais expliqué, c’est que l’animal même se perfectionne.
Ainsi, autrefois, l’animal était beaucoup plus rebelle à l’homme. Il y a aussi progrès de votre part d’avoir compris instinctivement ce perfectionnement chez les animaux, puisque vous défendez de les frapper. Je disais qu’il y a progrès moral pour l’animal ; il y a aussi progrès de condition. Ainsi un malheureux cheval, battu, frappé par un charretier plus brute que lui, sera comparativement dans une condition beaucoup plus tranquille, plus heureuse que celle de son bourreau.
N’est-ce pas de toute justice, et doit-on s’étonner qu’un animal qui souffre, qui pleure, qui est reconnaissant ou vindicatif selon la douceur ou la cruauté de ses maîtres, ait la récompense d’avoir supporté patiemment une vie remplie de tortures ? Dieu est juste avant tout, et toutes ses créatures sont sous ses lois, et ses lois disent : « Tout être faible qui aura souffert sera dédommagé. » J’entends, toujours comparativement à l’homme, et j’ose ajouter, pour terminer, que l’animal a souvent plus d’âme, plus de cœur que l’homme en bien des circonstances.
CHARLET.
IV
La supériorité de l’homme se manifeste sur votre globe par cette élévation de l’intelligence qui en fait le roi de la terre. A côté de l’homme l’animal est bien faible, bien chétif, et, pauvre sujet de cette terre d’épreuve, il a souvent à supporter les cruels caprices de son tyran : l’homme ! La métempsycose antique était un souvenir bien confus de la réincarnation, et cependant cette même doctrine n’est autre qu’une croyance populaire.
Les grands esprits admettaient la réincarnation progressive ; la masse ignorante ne devinant pas comme, eux, l’univers, se disait naturellement : Puisque l’homme se réincarne, ce ne peut être que sur la terre ; donc sa punition, son tartare, son épreuve, c’est la vie dans le corps d’un animal ; absolument, comme au moyen âge, les chrétiens se disaient : C’est dans la grande vallée qu’aura lieu le jugement, après quoi les damnés iront sous terre brûler dans ses entrailles.
Les Anciens croyant à la métempsycose croyaient donc, quelques-uns s’entend, à l’esprit des bêtes, puisqu’ils admettaient le passage de l’âme humaine dans le corps de la brute. Pythagore se ressouvient de son ancienne existence, et reconnaît le bouclier qu’il portait au siège de Troie. Socrate meurt en prédisant sa nouvelle vie.
Puisque, comme je vous l’ai dit, tout est progrès dans l’univers, puisque les lois de Dieu ne sont et ne peuvent être que les lois du progrès, au point où vous en êtes, au point de vue de vos tendances spiritualistes, ne pas admettre le progrès de ce qu’il y a au-dessous de l’homme serait un non-sens, une preuve d’ignorance ou de complète indifférence.
La bête a-t-elle, comme l’homme, ce que vous appelez la conscience, qui n’est autre chose que la sensation de l’âme lorsqu’elle a bien ou mal fait ? Observez, et voyez si la bête ne fait pas preuve de conscience, toujours relativement à l’homme. Croyez-vous que le chien ne sait pas quand il a bien ou mal fait ? S’il ne le sentait pas, il ne vivrait pas.
Comme je vous l’ai déjà dit, la sensation morale, la conscience, en un mot, existe chez lui comme chez l’homme, sans cela il faut retirer à l’animal la reconnaissance, la souffrance, les regrets, enfin tous les caractères d’une intelligence, caractère que tout homme sérieux est à même d’observer chez tous les animaux, selon leurs degrés différents, car, même parmi eux, il y a des diversités inouïes.
CHARLET.
Bibliographie
Allan Kardec – article paru à l’origine sur La Revue Spirite, au XIX siècle.