De l’existence de la douleur et pourquoi – VI.

La Douleur.*

 

Aux heures d’affliction, l’esprit d’un père, d’une mère, tous les amis du ciel se penchent vers nous et baignent nos fronts de leurs fluides doux et affectueux ; ils enveloppent nos cœurs de chaudes palpitations d’amour. Comment se laisser aller au mal ou au désespoir en présence de tels témoins, en songeant qu’ils voient nos soucis, lisent nos pensées, qu’ils nous attendent et s’apprêtent à nous recevoir au seuil de l’immensité !

En quittant la terre, nous les retrouverons tous et, avec eux, un bien plus grand nombre d’esprits amis que nous avions oubliés durant notre dernier séjour terrestre, la foule de ceux qui partagèrent nos vies passées et composent notre famille spirituelle. Tous nos compagnons du grand voyage éternel se grouperont pour nous accueillir, non pas comme de pâles ombres, de vagues fantômes animés d’une vie indécise, mais dans la plénitude de toutes leurs facultés accrues ; comme des êtres actifs, s’intéressant encore aux choses de la terre, participant à l’œuvre universelle, coopérant à nos efforts, à nos travaux, à nos projets. Les liens du passé se renoueront avec une force nouvelle.

L’amour, l’amitié, la paternité, ébauchés autrefois, en de multiples existences, se cimenteront par des engagements nouveaux pris en vue de l’avenir, afin d’augmenter sans cesse et d’élever à leur suprême puissance les sentiments qui nous unissent tous. Et les tristesses des séparations passagères, l’éloignement apparent des âmes causé par la mort, tout se fondra en des effusions de bonheur, dans le ravissement des retours et des réunions ineffables. N’ajoutez donc aucune foi aux sombres doctrines qui vous parlent de lois d’airain ou bien de condamnation, d’enfer et de paradis éloignant les uns des autres, et pour toujours, ceux qui se sont aimés. Il n’est pas d’abîme que l’amour ne puisse combler.

Dieu, tout amour, n’a pu condamner à s’éteindre le sentiment le plus beau, le plus noble de tous ceux qui vibrent au cœur de l’homme. L’amour est immortel comme l’âme elle-même. Aux heures de souffrance, d’angoisse, d’accablement, recueillez-vous et, d’un appel ardent, attirez à vous ces Etres qui furent, comme nous, des hommes et qui sont maintenant des esprits célestes, et des forces inconnues pénétreront en vous ; elles vous aideront à supporter vos misères et vos maux.

Hommes, pauvres voyageurs qui gravissez péniblement la montée douloureuse de l’existence, sachez que partout, sur notre route, des êtres invisibles, puissants et bons, cheminent à nos côtés. Aux passages difficiles, leurs fluides secourables soutiennent notre marche chancelante. Ouvrez-leur vos âmes ; mettez vos pensées en accord avec leurs pensées et aussitôt vous sentirez la joie de leur présence ; une atmosphère de paix et de bénédiction vous enveloppera ; de suaves consolations descendront en vous.

Au milieu des épreuves, les vérités que nous venons de rappeler ne nous dispensent pas des émotions et des larmes ; ce serait contre nature. Du moins, elles nous apprennent à ne pas murmurer, à ne pas rester accablés sous les coups de la douleur. Elles écartent de nous ces funestes pensées de révolte, de désespoir ou de suicide qui hantent souvent le cerveau des néantistes.

Si nous continuons à pleurer, c’est sans amertume et sans blasphème. Même lorsqu’il s’agit du suicide de jeunes hommes emportés par l’ardeur de leurs passions, devant la douleur immense d’une mère, le nouveau spiritualisme ne reste pas sans ressources. Il verse encore l’espérance aux cœurs désolés.

Il leur procure par la prière, par la pensée ardente, la possibilité de soulager ces âmes qui flottent dans les ténèbres spirituelles entre la terre et l’espace, ou restent confinées, par leurs fluides grossiers, dans les milieux où elles ont vécu. Il atténue leur peine en leur disant qu’il n’est rien d’irréparable, rien de définitif dans le mal ; toute évolution entravée reprend son cours quand le coupable a payé sa dette à la justice.

Partout et en tout, cette doctrine nous offre une base, un point d’appui d’où l’âme peut prendre son essor vers l’avenir et se consoler des choses présentes par la perspective des choses futures. La confiance, la foi en nos destins projette devant nous une lumière qui éclaire le sens de la vie, nous fixe le devoir, élargit notre sphère d’action et nous apprend à agir pour les autres. Nous sentons qu’il y a dans l’univers une force, une puissance, une sagesse incomparables ; mais aussi que nous faisons nous-mêmes partie de cette force et de cette puissance dont nous sommes issus.

Nous comprenons que les vues de Dieu sur nous, son plan, son œuvre, son but, tout à son principe et sa source dans son amour. En toutes choses, Dieu veut notre bien et le poursuit par des voies tantôt claires, tantôt mystérieuses, mais constamment appropriées à nos besoins. S’il nous sépare de ceux que nous aimons, c’est pour nous faire retrouver plus vives les joies du retour. S’il permet pour nous les déceptions, les abandons, les maladies, les revers, c’est afin de nous obliger à détacher nos regards de la terre et à les élever vers lui, à rechercher des joies supérieures à toutes celles que nous pouvons goûter en ce monde.

L’Univers est justice et amour ; dans la spirale infinie des ascensions, la somme des souffrances, divine alchimie, se change là-haut en flots de lumière et en gerbes de félicité. Avez-vous remarqué, au fond de certaines douleurs, comme une saveur particulière et si nouvelle que l’on ne peut s’empêcher d’y reconnaître une intervention bienfaisante ? Quelquefois l’âme frappée voit briller une clarté inconnue, d’autant plus vive que le désastre est plus grand.

D’un seul coup, la douleur l’enlève à des hauteurs telles qu’il faudrait vingt années d’études et d’efforts pour les atteindre. Je ne puis résister au désir de citer deux exemples, parmi beaucoup d’autres qui me sont connus. Il s’agit de deux hommes, devenus depuis mes amis, pères de deux jeunes filles charmantes qui étaient toute leur joie en ce monde, et que la mort enleva brutalement en quelques jours. L’un était officier général dans la région de l’Est. Sa fille aînée possédait tous les dons de l’intelligence et de la beauté. D’un caractère sérieux, elle dédaignait volontiers les plaisirs de son âge et partageait les travaux de son père, écrivain militaire et publiciste de talent. Aussi lui avait-il voué une affection qui allait jusqu’au culte. En peu de temps, une maladie sans remède enlevait la jeune fille à la tendresse des siens. Dans ses papiers, on trouva un cahier de notes portant ce titre : «A mon père quand je ne serai plus !»

Quoique jouissant d’une santé parfaite au moment où elle traçait ces pages, elle avait le pressentiment de sa mort prochaine et adressait à son père des consolations touchantes. Grâce à un livre qu’il découvrit dans le bureau de son enfant, nous entrâmes en rapport. Peu à peu, en procédant avec méthode et persistance, il devint médium voyant, et aujourd’hui il a non seulement la faveur d’être initié aux mystères de la survivance, mais aussi celle de revoir souvent sa fille près de lui et de recevoir les témoignages de son amour. L’esprit d’Yvonne se communiquait également à son fiancé et à un de ses cousins, sous-officier dans le régiment que commandait alors son père.

Ces manifestations se complétaient et se contrôlaient les unes par les autres, et étaient encore perçues par deux animaux familiers, ainsi que l’attestent les lettres du général1. Le deuxième cas, visé ici, est celui de M. Debrus, négociant à Valence, dont l’unique enfant, Rose, née après de nombreuses années de mariage, était tendrement aimée. Toutes les espérances du père et de la mère reposaient sur cette tête chérie. Mais, à 12 ans, l’enfant fut frappée brusquement d’une méningite aiguë qui l’emporta.

Le désespoir des parents fut inexprimable et l’idée du suicide hanta plus d’une fois l’esprit du pauvre père. Il se ressaisit cependant, ayant quelque connaissance du spiritisme, et eut aussi la joie de devenir médium. Aujourd’hui, il communique sans intermédiaire, librement et sûrement, avec sa fille. Celle-ci intervient fréquemment dans la vie intime des siens et produit parfois autour d’eux des phénomènes lumineux d’une grande intensité.

Les uns comme les autres savaient peu de choses de l’Au-delà et vivaient dans une indifférence coupable à l’endroit des problèmes de la vie future et de la destinée. Maintenant, tout s’est éclairé à leurs yeux. Après avoir souffert, ils ont été consolés et ils consolent les autres à leur tour, travaillant à répandre la vérité autour d’eux, impressionnant tous ceux qui les approchent, par la hauteur de leurs vues et la fermeté de leurs convictions.

Leurs enfants sont revenus vers eux, transfigurés et rayonnants. Et ils sont arrivés à comprendre pourquoi Dieu les avait séparés et comment il leur ménage une vie commune dans la lumière et dans la paix des espaces. Voilà l’œuvre de la douleur !

Pour le matérialiste, disions-nous, il n’est pas d’explication à l’énigme du monde, ni au problème de la douleur. Toute la magnifique évolution de la vie, toutes les formes d’existence et de beauté, lentement développées au cours des siècles, tout cela à ses yeux est dû au caprice d’un hasard aveugle et n’a d’autre issue que le néant. A la fin des temps, il en sera de l’humanité comme si elle n’avait jamais existé.

Tous ses efforts pour s’élever à un état supérieur, toutes ses plaintes, ses souffrances, ses misères accumulées, tout s’évanouira comme une ombre, tout aura été inutile et vain. Mais au lieu de cette théorie de la stérilité et du désespoir, nous qui avons la certitude de la vie future et du monde spirituel, nous voyons dans l’univers l’immense laboratoire où s’affine et s’épure l’âme humaine, à travers des existences alternativement célestes et terrestres. Celles-ci n’ont qu’un but : l’éducation des intelligences associées aux corps. La matière est un instrument de progrès. Ce que nous appelons le mal, la douleur, n’est qu’un moyen d’élévation. Le moi est chose haïssable, a-t-on dit.

Cependant, qu’on me permette un aveu. Chaque fois que l’ange de la douleur m’a touché de son aile, j’ai senti frémir en moi des puissances inconnues ; j’ai entendu des voix intérieures chanter le cantique éternel de la vie et de la lumière. Et maintenant, après avoir participé à tous les maux de mes compagnons de route, je bénis la souffrance ; elle a façonné mon être ; elle m’a procuré un jugement plus sûr, un sentiment plus précis des hautes vérités éternelles.

Ma vie fut plus d’une fois secouée par le malheur, comme le chêne par l’orage ; mais il n’est pas une épreuve qui ne m’ait appris à me connaître un peu plus, à me posséder davantage. Voici venir la vieillesse. Le terme de mon œuvre approche. Après cinquante années d’études, de travail, de méditation, d’expériences, il m’est doux de pouvoir affirmer à tous ceux qui souffrent, à tous les affligés de ce monde, qu’il est dans l’univers une justice infaillible. Rien n’est perdu de nos maux ; il n’y a pas de peine sans compensation, pas de labeur sans profit.

Nous marchons tous, à travers les vicissitudes et les larmes, vers un but grandiose, fixé par Dieu, et nous avons à nos côtés un guide sûr, un conseiller invisible pour nous soutenir et nous consoler. Homme, mon frère, apprends à souffrir, car la douleur est sainte ! Elle est le plus noble agent de la perfection. Pénétrante et féconde, elle est indispensable à la vie de quiconque ne veut pas rester pétrifié dans l’égoïsme et l’indifférence.

C’est une vérité philosophique que Dieu envoie la souffrance à ceux qu’il aime : «Je suis esclave, estropié, disait Epictète, un autre Irus (ce personnage mythique) en pauvreté et en misère et, cependant, aimé des Dieux.» Apprends à souffrir ! Je ne te dirai pas : recherche la douleur. Mais quand elle se dresse, inévitable, sur ton chemin, accueille-la comme une amie, apprends à la connaître, à apprécier sa beauté austère, à saisir ses secrets enseignements.

Etudie son œuvre cachée ; au lieu de te révolter contre elle ou bien de rester accablé, inerte et veule sous son action, associe ta volonté, ta pensée au but qu’elle se fixe ; cherche à retirer de son passage dans ta vie tout le produit qu’elle peut offrir à ton esprit et à ton cœur.

Efforce-toi d’être à ton tour un exemple pour les autres ; par ton attitude dans la souffrance, ton acceptation volontaire et courageuse, ta confiance en l’avenir, rends-la plus acceptable aux yeux d’autrui. En un mot, fais la douleur plus belle. L’harmonie et la beauté sont des lois universelles et, dans cet ensemble, la douleur a son rôle esthétique. Il serait puéril de maugréer contre cet élément nécessaire à la beauté du monde. Relevons-la plutôt par des vues et des espérances plus hautes ! Voyons en elle le suprême remède à tous les vices, à toutes les déchéances, à toutes les chutes ! Vous tous qui ployez sous le fardeau de vos épreuves ou qui pleurez dans le silence, quoi qu’il advienne, ne désespérez jamais.

Souvenez-vous que rien n’arrive en vain ni sans cause. Presque toutes nos douleurs viennent de nous-mêmes, de notre passé, et elles nous ouvrent les chemins du ciel. La souffrance est une initiatrice. Elle nous révèle le sens grave, le sérieux imposant de la vie. Celle-ci n’est pas une comédie frivole, mais plutôt une tragédie poignante ; c’est la lutte pour la conquête de la vie spirituelle, et dans cette lutte, ce qu’il y a de plus grand, c’est la résignation, la patience, la fermeté, l’héroïsme. Au fond, les légendes allégoriques de Prométhée, des Argonautes, des Niebelungen, les mystères sacrés de l’Orient n’ont pas d’autre sens.

Un instinct profond nous fait admirer ceux dont l’existence n’est qu’un combat perpétuel contre la douleur, un effort constant pour gravir les pentes abruptes qui conduisent aux cimes vierges, aux trésors inviolés. Et nous n’admirons pas seulement l’héroïsme au grand jour, les actions qui provoquent l’enthousiasme des foules, mais aussi la lutte obscure et cachée contre les privations, la maladie, la misère, tout ce qui détache des liens matériels et des choses qui passent.

Tendre les volontés ; tremper les caractères pour le combat de la vie ; développer la force de résistance ; écarter de l’âme de l’enfant tout ce qui peut l’amollir ; élever l’idéal à un niveau supérieur de force et de grandeur : voilà ce que l’éducation moderne devrait adopter pour objectif essentiel. Mais, à notre époque, on s’est déshabitué des luttes morales, pour rechercher les plaisirs du corps et de l’esprit. Aussi la sensualité nous déborde, les caractères s’affaissent, la décadence sociale s’accentue. En haut les cœurs, les pensées, les volontés ! Ouvrons nos âmes aux grands souffles de l’espace ! Levons nos regards vers l’avenir sans limites ; rappelons-nous que cet avenir nous appartient : notre tâche est de le conquérir.

Nous vivons en des temps de crise. Pour que les intelligences s’ouvrent aux vérités nouvelles, pour que les cœurs parlent, des avertissements éclatants sont nécessaires. Il faut les dures leçons de l’adversité. Nous avons connu des jours sombres et des périodes difficiles. Le malheur doit rapprocher les hommes. Ils ne se sentent vraiment frères que par la douleur. Il semble que notre nation suive une route bordée de précipices. L’alcool et leurs ravages. A chaque instant, des scandales éclatent, éveillant des curiosités malsaines, remuant la vase où fermentent les corruptions. La pensée rampe sans s’élever.

L’âme de la France, qui fut souvent l’initiatrice des peuples, leur guide dans la voie sacrée, cette grande âme souffre de se sentir vivre dans un corps vicié. O âme vivante de la France, sépare-toi de cette enveloppe gangrenée, évoque les grands souvenirs, les hautes pensées, les sublimes inspirations de ton génie ! Car ton génie n’est pas mort ; il sommeille. Demain, il se réveillera ! La décomposition précède le renouvellement. De la fermentation sociale peut sortir une autre vie, plus pure et plus belle. Sous l’influx de l’idée nouvelle, la France retrouvera la croyance et la confiance. Elle se relèvera plus grande et plus forte pour accomplir son œuvre en ce monde !

 

Conclusion.**

 

Par cette publication en série nous avons voulu répondre par une variété de réponses aux nombreuses questions qui nous sont souvent dirigées, par celles et ceux qui viennent à nous au milieu de grandes souffrances, car la douleur, qu’elle soit physique ou morale, les tenaille nuit et jour, parfois, sans qu’elle leur laisse de répit.

Oui, l’homme actuel est sans un ombre de doute, le produit d’un passé vécu au milieu de nombreuses erreurs, des fautes lourdes, dont il subit en cette incarnation les conséquences. Tous les Hommes ne sont pas dans exactement la même peine, bien sûr, puisque celle-ci n’étant que la résultante de ses erreurs et déviations, elle est exactement ajustée à ce qu’il a fait. Elle ne peut donc, s’appliquer à égalité pour tous !

La justice divine est tout simplement correctrice, et tient de la libération de l’Homme par rapport à tout son passé, en le hissant selon son progrès, à des situations correspondant à celui-ci. Voilà pourquoi parmi ceux qui souffre, et ils sont nombreux dans ce cas, sur notre Terre, la douleur et les souffrances ont en intensité ce que la valeur exacte du poids de leurs errances du passé.

Demain, sera pour chacun un autre jour, avec ses aurores matinales et ses rayons de lumière, qui éclaireront notre destinée et renforceront en énergie chaque moment de nos existences futures, qui elles seront fonction de ce qu’on aura fait et changé. Nous ne sommes pas faits pour vivre éternellement dans des peines horribles, mais pour vaincre tous les éléments qui en sont leur cause et ainsi faisant tirer le plus grand profit de l’amour divin qui nous entoure et nourri et de sa parfaite justice qui nous libère et soutien notre ascension.

 


 

Bibliographie

 

* Cet article en plusieurs épisodes fut construit à partir des extraits de l’œuvre de Léon Denis « Le Problème de l’Être et de la Destinée », dans son chapitre – « La douleur ».

** Les quelques mots en tant que conclusion ont été rédigés par l’EPADIS.