1 – Introduction
« Tout est permis, mais tout ne convient pas ; Tout est permis, mais tout n’édifie pas. » (Paul, Première épître aux Corinthiens, 10:23).
« Croire ne suffit plus aujourd’hui ; on veut savoir. Aucune conception philosophique ou morale n’a la chance de succès si elle ne s’appuie sur une démonstration à la fois logique, mathématique et positive et si, en outre, elle n’est couronnée par une sanction qui satisfasse tous nos instincts de justice. » (Léon Denis, Le Problème de l’Etre et de la Destinée.)
« Pour les choses nouvelles il faut des mots nouveaux, ainsi le veut la clarté du langage. » C’est la première phrase du Livre des Esprits d’Allan Kardec. Il a tenu à préciser d’emblée la nuance entre les mots : spirituel, spiritualiste, spiritualisme, qui ont une acception bien définie, et les mots spirite, spiritisme.
« Le spiritualisme est l’opposé du matérialisme ; quiconque croit avoir en soi autre chose que la matière est spiritualiste ; mais il ne s’ensuit pas qu’il croie à l’existence des Esprits ou à leurs communications avec le monde visible. Au lieu des mots spirituel, spiritualisme, nous employons pour désigner cette dernière croyance ceux de spirite et de spiritisme. » Ces termes sont donc des néologismes, c’est-à-dire des mots créés et définis par Allan Kardec.
Un spirite est donc spiritualiste, puisqu’il a la certitude expérimentale de l’existence des esprits, qui ne sont autres que les âmes des humains en transition entre le tombeau et le berceau. Quelles sont les bases des convictions spiritualistes du spirite, quelles sont les conséquences du Spiritisme sur le plan de l’éthique, c’est ce que nous allons tenter de développer dans cet exposé.
2 – Débuts du Spiritisme
Comme nous l’avons vu dans un exposé précédent sur les liens entre le Spiritisme et la Science, les phénomènes qui se sont produits, à partir de 1847, dans la maison de la famille Fox, à Hydesville dans l’Etat de New York, sont à l’origine de la multiplication du phénomène des tables tournantes vers 1850, de l’écriture, et d’autres phénomènes médiumniques.
Ces phénomènes ont d’abord soulevé beaucoup d’incrédulité, mais la multiplicité des expériences a permis aux personnes de bonne foi, sans idées préconçues, et sincèrement désireuses de s’instruire, de les observer, de les étudier sérieusement et d’écarter rapidement l’hypothèse de fraudes.
Parmi eux figure Hippolyte Rivail, qui plus tard allait adopter le pseudonyme d’Allan Kardec. Né à Lyon en 1804, il a étudié à Yverdon, en Suisse, dans l’institut d’Henri Pestalozzi. Rivail a commencé sa carrière comme professeur de lettres et de sciences. Excellent pédagogue, il a publié divers livres didactiques et a contribué à la réforme de l’enseignement français.
Analysant non seulement l’aspect externe des phénomènes, mais aussi la teneur très cohérente des meilleures communications reçues, il a appliqué le principe de causalité : les effets intelligents doivent avoir une cause intelligente. Cette cause intelligente s’est elle-même défini comme étant l’esprit, ou principe intelligent des êtres humains, survivant à la mort qui n’est que la destruction du corps physique. Mais « le Spiritisme n’a conclu à l’existence des Esprits que lorsque cette existence est ressortie avec évidence de l’observation des faits et aussi des autres principes.« 1
Il a constaté que certains Esprits possèdent un niveau intellectuel et moral bien au-dessus de la moyenne terrestre, qu’ils « s’expriment sans allégorie, et donnent aux choses un sens clair et précis qui ne puisse être sujet à aucune fausse interprétation.« 2
De plus, leurs enseignements logiques clarifient, confirment et sanctionnent par des preuves le texte des écritures sacrées et des notions philosophiques parfois très anciennes. Les phénomènes étant naturels et universels, ils remontent à la nuit des temps.
Le Livre des Esprits est le résultat d’un travail d’observation et d’analyse méthodique de nombreux messages, passés au crible de la raison et du bon sens. Ce livre contient « les principes de la doctrine spirite sur l’immortalité de l’âme, la nature des esprits et leurs rapports avec les hommes, les lois morales, la vie présente, la vie future et l’avenir de l’humanité, selon l’enseignement donné par les esprits supérieurs.«
La Doctrine Spirite n’est donc pas une conception personnelle d’Allan Kardec, qui n’est ni « fondateur » ni « pape » du Spiritisme, mais « Codificateur de la Doctrine Spirite« .
Il faudrait plusieurs pages pour donner une liste complète de tous les intellectuels qui se sont penchés sur les relations entre les vivants et ce que l’on appelle les morts. Nous nous limiterons à en citer quelques-uns.
Alfred Russel Wallace, collaborateur de Charles Darwin, a affirmé en 1874 : « Les faits sont des choses opiniâtres, dont on ne peut se débarrasser selon son bon vouloir. Il n’est pas exagéré d’affirmer que les faits principaux sont aujourd’hui aussi bien caractérisés et aussi facilement vérifiables que tout autre phénomène exceptionnel de la Nature non encore réduit à une loi.«
William Crookes, illustre chimiste et physicien, a obtenu la matérialisation complète de l’esprit de Katie King. Il a affirmé, à l’académie de Londres : « Je ne dis pas que cela est possible, je dis que cela est. » Plus tard, il à découvert le Thallium, inventé le tube de Crookes ayant conduit à la découverte de l’électron, des rayons X et du tube cathodique…
Le Docteur Gustave Geley, professeur à la Faculté de Médecine de Lyon, a étudié l’ectoplasme et les matérialisations.
Il a obtenu des moulages de cire, impossibles à reproduire par un autre procédé, qui sont toujours conservés à l’Institut Métapsychique International à Paris.
Charles Richet, professeur de la Faculté de Médecine de Paris, prix Nobel de physiologie et auteur du « Traité de Métapsychique », a participé à de nombreuses expériences, en particulier avec le médium Eusapia Paladino, et aussi en 1898, avec Camille Flammarion, astronome français, et le Colonel Albert de Rochas, diplômé et administrateur de l’école Polytechnique.
Camille Flammarion a longtemps étudié et vulgarisé les phénomènes spirites. Il affirme : « Je n’hésite pas à dire que celui qui déclare les phénomènes spirites contraires à la science, ne sait pas de quoi il parle. En effet, dans la nature, il n’y a rien de surnaturel ; il y a de l’inconnu, mais l’inconnu d’hier devient la réalité de demain.«
Gabriel Delanne, ingénieur admis à l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures, a étudié sans relâche les phénomènes entre 1874 et 1926. Il mérite une place d’honneur par son impressionnante bibliographie de huit ouvrages très précis et détaillés sur le Spiritisme scientifique et expérimental.
Léon Denis, orateur « hors pair » et grand studieux de la phénoménologie, a considérablement développé les conséquences du Spiritisme sur le plan philosophique et éthique.
3 – Caractéristiques du Spiritisme
Beaucoup de personnes n’ont vu dans les phénomènes Spirites qu’un objet de distraction ou de curiosité. Elles en ont d’ailleurs rapidement trouvé d’autres. Mais qu’en est-il aujourd’hui de toutes les recherches intenses d’il y a à peine un siècle ?
Au XX° siècle, le Spiritisme a connu un développement important au Brésil, où plus d’une dizaine de millions de Spirites fréquentent plus de 7000 associations. Les Spirites appartiennent à toutes les classes sociales, des plus modestes aux plus intellectuelles.
Il y a des associations spirites dans les favelas, dans les milieux ouvriers, dans les universités, parmi les médecins, psychologues, psychiatres, professionnels de la communication, philosophes, militaires, etc.. De nombreux ouvrages complémentaires, couvrant tous les aspects de recherche et les applications de la doctrine spirite, y sont publiés.
Cette nation jeune, bénéficiant de l’association de nombreuses cultures occidentales et africaines, a été un terrain propice pour le développement de la Doctrine Spirite codifiée en France par Allan Kardec. Les spirites brésiliens mènent depuis longtemps une action admirable et reconnue dans le domaine social. La mise en pratique des conséquences de la Doctrine est une base de leur crédibilité et un facteur essentiel de leur succès.
Par contre, le Spiritisme a connu un développement plus lent dans les pays occidentaux et industrialisés. Les traditions religieuses y sont plus fortes, et elles évoluent lentement, alors que le progrès des sciences a été très rapide. Il en a résulté un éloignement entre la science et la religion, et aujourd’hui encore, l’une est souvent tabou chez l’autre, chacune croyant détenir la vérité.
Cette tendance n’a pas épargné le Mouvement Spirite, dont certains adeptes, ne s’attachant qu’à la phénoménologie, se sont distanciés de l’aspect religieux et éthique du Spiritisme. Ils trouvent la position d’Allan Kardec obsolète ou démodée.
Dans le chapitre II du « Traité de Métapsychique » datant de 1923, Charles Richet qui, comme nous l’avons vu, a participé à de nombreuses expériences spirites, reproche aux Spirites d’être des rêveurs en allant au-delà de la simple observation des phénomènes. Il déclare, pour sa part, que « aller plus loin ne m’intéresse pas », et c’est son droit.
Plus tard, d’autres mouvements parapsychologiques ont suivi la même position. Ils étudient en partie les mêmes phénomènes que le Spiritisme, et certainement avec autant de rigueur pour leur aspect tangible, mais ils ne se sont pas développés beaucoup à cause de faiblesses dont voici quelques exemples3 :